Oisiveté estivale, joli soleil, curiosité… et trois mois sans rouler. Même si ça ne me démange pas irrémédiablement, il serait temps que je cherche une nouvelle compagne à 2 roues un de ces 4.
Bon, les critères d’entrée à ma shoping-list sont « simples » ; léger (<220kg environs), polyvalent (solo, duo, bagage, sport, baroud’,…), une position droite et large guidon, des aptitudes aux routes étroites et pourries mais sur des gommes sport en 17’’ (et pas en semi-tétines dans des tailles introuvables), un caractère sportif mais acceptant le chargement de plus de 2 slips et une brosse à dents,… et avec un moteur qui tabasse un minimum, non pour avoir la plus grosse (100cv suffisent amplement), mais pour se faire distribuer des coups de pied au cul, à la demande, et si possible, juste à la demande.
Bref, cette BMW S1000XR semble sur le papier pas déconnante, et la concess’ n’est pas loin. Pas de R1200GS à l’essai hormis la pachydermique version Adventure et ses 260kg ; ben attaquons nous donc au dessert plutôt qu’à la choucroute, alors ! (blurp).
La bête est comme souvent en moto d’essai chez BM « full option » (ESA, suspensions électroniques, ABS-pro, shifter up & down, support de valoches, précablage GPS, feu diurne à LED, etc…) et y’a bien des boutons là-dessus ; bon, la première est en bas, les autres en haut, y’a un bouton de mode global (rain/road/dynamic). Merci m’sieur, je devrais m’en sortir avec ça, « ad t’allure ! ».
Extraction urbaine par la 4 voies ; le poids du 4 en ligne est un poil haut perché et la vivacité du train avant à basse vitesse pas exceptionnelle… mais il faut prendre en compte pour ça ma référence de pneu avant de 21’’ et 90 de large. Bref, je descends (même si c’était il y’a 3 mois) d’un (lourd) vélo en ballerines pour monter ici sur un truc en larges boudins de sport. Bref, ça fait le job en milieu péri-urbain et je commence à chatouiller le shifter dans le bas de compte-tour, m’attendant à quelques refus, sinon désagréments. Hé ben que nenni, ce truc est tout simplement bluffant ; à la montée comme à la descente des rapports, ça passe tout seul sans débrayer, sans un à-coup, avec une continuité tant des gaz en charge, que du frein moteur au rétrogradage. S’il n’y avait ce léger « clonck » à l’enclenchement de la première, on pourrait presque croire que le sélecteur de vitesses n’est qu’un contacteur électrique qui pilote une boite robotisée. Même bas dans les tours, ou en recollant la première à la porcasse bien haut, ça bronche pas, le rapport s’enclenche net et sans bavure, ça reste en ligne, ça dribble pas et le moteur prend une grosse volée de tours presque sans bruit pour se mettre pile au régime adéquat sur le rapport qui suit.
Si la consistance du sélecteur est « molle », le passage des rapports se fait avec une rapidité et une neutralité hallucinante ! J’en suis à devoir me forcer de ne pas mettre de coup de gaz (parfaitement inutile, et même pénalisant pour l’efficacité ici) au rétrogradage, et à ne pas imprimer de traction sous le sélecteur dans l’objectif de passer sous peu un rapport à la volée, via une courte coupure des gaz… vu que sans rien couper, celui-ci passe instantanément dès qu’on touche au sélecteur, et donc bien trop tôt ! Il faut donc un peu d’habitude, mais une fois la première passée et décollé, l’embrayage ne sert pratiquement plus à rien !
Coté moteur, et si j’étais par le passé un véritable intégriste des grumeaux, de la rudesse qui déchausse les dents et du magistral coup de pied au cul, force est de constater que ça n’est pas ici tout à fait ça. Et pourtant (ton corps change et ça n’est pas sale), et pourtant, ça n’a pour moi rien de décevant : sans doute que la vieilless… euh, la sagesse aidant, et une habitude prise à enrouler plus qu’à s’exciter sur la poignée de droite au guidon d’un LC8 plein comme un œuf, rond, mais apte à te catapulter d’un bon en avant sur demande. Ben là, c’est un peu pareil ; certes, faut pas lui demander de te plier les reins d’une simple rotation de la poignée droite dès le bas du compte-tour, mais quand même ; le couple est bien là, ça tracte, ça avance même et pas qu’un peu, et un petit coup de gaz un peu sec passé 4~5000tr/min suffit à asseoir la suspension, te coller le cul contre la selle passager et faire décoller le compte-tour (à défaut de la roue avant, l’anti-cabrage veillant). Y’a pas la rudesse d’un gros twin, mais le couple y est, et si le coup de pied au cul n’est pas aussi instantané, il est –selon moi- quand même bien là quand on chatouille la bête, notamment en mode « dynamic » (le « road » étant bien mais sans plus, sans doute utile avec passager(e), le « rain » rendant la moto asthmatique et utilisable par un jeune permis, déclenchant l’antipatinage à la moindre bosse ou plaque d’égout). Tout en bas, c’est doux, souple, presque onctueux, mais pas mou. Plus haut, du moins autant que la limitation à sans chevaux le permette, ça distribue des baffes visuelles et le shifter aidant, le paysage se met à défiler bien vite. C’est simple, ça semble accélérer de plus en plus à mesure qu’on monte les rapports.
Au final, on est assis sur un gros élastique, qui suffit à se déplacer onctueusement en bas, à se mouvoir honnêtement au milieu et à se catapulter en haut, tout ça dans la continuité des courts passages de rapport à la volée, et si en plus on demande à se faire secouer la pulpe en jouant de l’embrayage ou via de belle coupures / remise de gaz, il sait aussi le faire. Bref, ce moteur est une réussite ; rond, plein, super bien géré et sans désagréables à-coup d’injection, mais avec juste le léger mais présent petit coup sec à la mise des gaz, et tout ça, dans un discret râle doublé du sifflement du 4 en ligne, même pas désagréable, et secondé de légers borborygmes pétaradants à la décélération (en mode « dynamic » uniquement il m’a semblé). Ca casse pas les oreilles (ce qui m’insupporte) avec des décibels par pelleté, mais la sonorité est là, juste ce qu’il faut (et notamment dans les tours) et pas désagréable.
Coté châssis, c’est bien entendu pas en 1h (ni en 10 fois plus) que j’en ferais le tour, mais disons que ça s’oublie : la machine est neutre, le freinage excellent et l’ABS-pro et l’anti-patinage veuillent. Clairement, et si je manque de références récentes sur ce genre de machine, on se sent assez vite en confiance et sans poser le genou par terre, on se met rapidement à enrouler assez vite. La machine est neutre, le shifter annihilant tout transfert de masse ou presque sur les passages de rapport, la suspension électronique tout simplement transparente, même sur les routes pourries. Bref, en pas longtemps, on se sent « comme à la maison » mais pour autant sans s’emmerder au guidon. On oublie plutôt le superflu, et on enroule, doucement dans un feulement mécanique pour admirer les villages, ou dans une douce furie en faisant scintiller le shift-light !
L’ergonomie est (hormis ce levier d’embrayage un peu loin) bonne et pour tout dire, je n’aurais rien eu si j’avais du partir avec à régler / bouger, pas même les rétro. La montée sur la béquille centrale est aisée, et la machine malheureusement un poil lourde à l’arrêt (« que » 228kg tous pleins faits, mais c’est 21 de plus que le roadster S1000R).
Coté défauts perceptibles après ce petit essais (1h ~70km) ;
- Le levier d’embrayage est bien loin et pas réglable. Bon certes, il sert peu avec le shifter... mais j’ai pourtant pas de petites mains.
- La commande de cligno, bien que standard (et pas à la BM avec un bouton de chaque coté) est difficilement perceptible à travers les gants, et il y’a pas mal de boutons aux commodos (mode, trip, info, régulateur de vitesse, molette de sélection, etc…) même si peu servent au final.
- Les informations autre que vitesse et régime sont bien petites et peu lisibles sur le compteur.
- La position debout pour admirer le paysage (désolé) n’est pas facilitée par la béquille centrale à gaucge et l’échappement à droite et on devra se contenter des pointes de cale-pieds.
Bilan :
Cette machine est un vrai couteau suisse, apte à probablement presque tout faire et bien… mais sportivement, plutôt que dans un grand confort. Du coup, ça collerait plutôt bien avec mon usage récréatif du 2 roues, et alors que je m’attendais à être un poil déçu par la mécanique, j’en suis descendu pour le moins enchanté… et déçu de devoir la rendre !
Alors certes, elle n’a pas une tronche de top modèle, le profil un peu lourdaud, et (à défaut d’un bec de canard) un bec de lièvre mal soigné, évidemment, y’a 2 cylindres de trop, pas de télélever, paralever ou de cardan… mais boudiou, quel tapis volant quand même !!
Le package techno est clairement à la hauteur en terme d’efficacité, les sensations distillées sont au rendez-vous-même si pour ça il conviendra sans doute de jouer avec (fuir) la maréchaussée, et l’ensemble cache un coté Doc. Jekyll et Mister Hyde, tantôt suave et onctueux, tantôt « silencieusement tonitruant », le truc qui te souffle à la tronche, te fait défiler le paysage vite et sans esbroufe extérieure, avec juste ce qu’il faut de mélange d’efficacité, de sonorité (et pas de bruit assourdissant), de facilité… mais sans fadeur ! Clairement, un sacré cocktail (même en 106cv) !
Le détail qui fâche en revanche, la facture à 20k€ en mode full options (16.3k€ de base) ; franchement, ça pique quand même sérieusement le fondement !
