Un nouveau permis de conduire sera délivré à partir de 2013 dans les 27 Etats membres de l’Union européenne. Objectif principal: harmoniser les 80 modèles différents qui cohabitent en Europe, mais aussi lutter contre la fraude, garantir la libre circulation des personnes et améliorer la sécurité routière. C’est dans ce dernier domaine que pas mal de choses vont changer pour les motards. A l’heure actuelle en France, il existe trois types de permis moto. à partir de 16 ans, permis A1, pour conduire des motos de 125 cm3 ou moins, avec une puissance maximale de 11 kW, soit 15 chevaux (cv) ; à partir de 18 ans et jusque 21 ans, permis A progressif avec limitation à 34 cv pendant deux ans. Ce qui veut dire qu’un motard de 18 ans sera “bridé” jusque ses 20 ans (et non 21 comme beaucoup le croient). A l’inverse, un nouveau permis à 20 ans et demi doit rester bridé jusqu’à 22 ans et demi. à partir de 21 ans, permis A, sans limite de cylindrée et avec limite de puissance à 106 cv. Pour plus de détails, lire l’article “Les arcanes du permis moto“. La réforme de la réglementation du permis européen, issue de la directive 91/429/EEG révisée, réformera le permis A1 et créera un permis A2 qui remplacera le “A progressif”. Le nouveau permis A1 instaurera une même d’obligation d’âge à 16 ans pour passer ce permis dans tous les Etats-membres, limitera la cylindrée à 125 cm3 et la puissance à 11 kW (donc comme aujourd’hui), mais surtout instaure un rapport puissance/poids maximal de 0,1 kW par kilogramme, ce qui exclut les motos sportives. Adieu donc les 125 sport ! Reste que certains pays de l’Union, comme les Pays-Bas, refusent toujours de laisser les moins de 18 ans conduire une moto. Le futur permis A2 prévoit une limitation de puissance de 35 kW (un peu moins de 50 cv) pour les conducteurs de moins de 24 ans et de moins de deux ans d’expérience. Le jeune permis de 18 ans devra donc rester “bridé” jusque ses 20 ans. Celui qui le passe à 23 ans jusque 25 ans. Et celui qui obtient son permis A à 24 ans et un jour pourra rouler directement en 106 cv. Le passage du permis A2 au permis A se fera soit de façon automatique (comme maintenant), soit à l’issue d’un nouvel examen, probablement une épreuve en circulation (sans partie technique). Donc d’un côté, la période de limitation de puissance est rallongée, mais de l’autre, la puissance maximale admise augmente. Il est vrai que celle de 34 cv était assez ridicule et s’avère très peu respectée (et peu contrôlée). Je suis pour ma part convaincu qu’en termes de sécurité routière, les kilomètres parcourus comptent plus que les années, qu’il vaut mieux 100.000 km d’expérience en trois ans que dix ans à 5.000 bornes par an, voire que 30 ans de permis avec 20 ans d’interruption. Mais combien de motards français roulent plus de 10.000 km par an ? Surtout les débutants… Et il est un fait que passée la trentaine, on a tendance (avec des exceptions dans les deux sens) à modérer la testostérone et à conduire plus calmement qu’à 20 ans. Une loi fera toujours des frustrés car elle ne tient pas compte des cas particuliers. Ils sont laissés à l’appréciation de la justice. Mais dans le cas présent, il n’y a pas de marge d’appréciation. C’est sans doute dommage et critiquable, mais il faut bien trouver une ligne de partage. Personnellement, je trouve d’un côté logique et bénéfique de “brider” les débutants, mais de l’autre, je trouve cela à la fois insuffisant et inadapté. Les statistiques d’accidentologie de l’ONISR prouvent que le nombre d’accidents et de victimes (deux notions différentes même si elle sont à l’évidence corrélées) est proportionnellement bien plus élevé chez les jeunes. Sur l’année 2005, parmi les motocyclistes (hors cyclomotoristes), 913 tués dont 67 âgés de 15 à 19 ans, 193 âgés de 20 à 24 ans, 148 de 25-29 ans, et 155 de 30-34 ans. Soit 563 tués sur 913. Bref, 61,3% des motards tués en 2005 étaient âgés de 15 à 34 ans. Dès qu’on passe la barre des 35 ans, le nombre de tués passe en dessous de 100 par tranche de cinq ans. A noter d’ailleurs que si la tranche des 20-24 ans est clairement sur-représentée parmi les tués, on observe une relative égalité entre les 25-29 ans et les 30-34 ans. Autre observation: comme on ne peut devenir motocycliste qu’à partir de 18 ans, cela signifie qu’il y a eu 67 jeunes tués à moto qui avaient entre 18 et 19 ans, une proportion sensiblement égale à celle des tranches d’âge supérieures. On peut présumer qu’une partie de ces tués étaient passagers et éventuellement âgés de 15 à 18 ans. Mais le chiffre de tués est global et ne tient pas compte de la répartition pilote/passager. On sait juste qu’il y a eu 840 pilotes et 73 passagers tués à moto en 2005, sans distinction d’âge. Cela dit, ce ne sont que des chiffres en valeur absolue, il faudrait voir les proportions par rapport à la population motarde par tranches d’âge, dont on sait qu’elle diminue avec l’âge croissant. L’ancienneté de détention du permis n’est pas le seul facteur de mesure de l’expérience. Les accidentologues du CEESAR ont constaté que même pour des motards expérimentés, le facteur de risque d’accident augmente au cours des six premiers mois (en moyenne) d’utilisation d’un nouveau véhicule. C’est l’expérience de la pratique sur tel ou tel modèle de moto qui compte, tout autant que l’expérience de la moto en général. OK, il y a plus d’accidents et de victimes parmi les jeunes à moto (et en général d’ailleurs), c’est incontestable. Maintenant, la question est: le bridage de la puissance maximale est-il la solution ? Les études de micro-accidentologie (MAIDS pour l’Europe et Rider pour la France) montrent que plus de la moitié des accidents (56%) surviennent à moins de 50 km/h (tous véhicules confondus) et que dans 70% des accidents, la vitesse du deux-roues avant l’impact était inférieure ou égale à 50 km/h. A contrario, seuls 5,4% des accidents peuvent être directement imputables à une vitesse supérieure ou égale à 100 km/h. Déduction logique, dans les 25% restants des cas, la vitesse de la moto était comprise entre 50 et 100 km/h. Répétons-le encore une fois: la vitesse n’est pas un facteur déterminant des accidents de moto, même si elle est indéniablement un facteur aggravant des conséquences en cas de chute (à plus de 110 km/h, la moitié des impacts sont mortels pour le motard). Lire l’article “Pour ne plus traiter la vitesse “à la va-vite”“. La meilleure preuve dans les faits réside en Allemagne. Un pays où la puissance des motos n’est pas limitée, où la vitesse sur autoroute n’est pas limitée sur certaines portions avec un revêtement nickel… Et où, surprise, le nombre de morts à moto par million de conducteurs est bien moins important qu’en France ! En 2003, en Allemagne, on comptait 64,3 motards morts (à 30 jours) par milliard de kilomètres parcourus, contre 195,3 en France la même année, chiffres officiels de l’ONISR. Comme on dit, ce ne sont pas les 100 chevaux de la moto qui sont dangereux, c’est l’âne qui la conduit ! Lire l’article “Réflexion sur vitesse et puissance“. Or il faut bien reconnaître que la culture de sécurité est dramatiquement absente de la pratique de la moto en France aujourd’hui. Lire l’article “Réflexion sur la formation initiale aux deux-roues“. Dans la majeure partie des accidents impliquant un deux-roues moteur, un autre véhicule - ici appelé “véhicule adverse” (VA) - est impliqué, en général une automobile dans 60% des cas. Dans une moindre part des accidents, le deux-roues a percuté la route ou un autre élément d’infrastructure, soit en se plantant tout seul, soit en voulant éviter un autre véhicule. Dans ce cadre, 87% des accidents ont pour cause une erreur humaine (et non la vitesse ou la volonté divine). Dans 50% de ces accidents, le facteur direct contribuant à l’accident vient d’une faute du conducteur du véhicule adverse. Dans 37%, c’est le fait du pilote du deux-roues. Au total, le motard n’est pas juridiquement responsable de son accident dans environ deux cas sur trois, ce qui montre qu’il faut éduquer les automobilistes à la présence des deux-roues sur la route. Autre déduction: un tiers des motards victimes d’accidents corporels se sont mis eux-mêmes (ainsi que leurs passagers éventuels) en situation de risque, ce qui donne une idée de l’effort de formation, de prévention-répression et d’autodiscipline à fournir. Dans le même ordre d’idée, et pour illustrer plus encore si besoin était l’insuffisance de la formation initiale à la conduite d’un deux-roues moteur: dans 80% des cas observés, le conducteur du deux-roues n’a pas su réaliser correctement une manoeuvre de freinage ou d’évitement. Lire les articles “Perfectionner sa conduite moto sur route” et “Savoir freiner à moto (et en scooter)“. Bref, le bridage, oui certes, cela évite sans doute à quelques têtes brûlées d’aller se tuer, en espérant qu’il leur restait assez de cervelle pour ne pas débrider leur engin. Mais le vrai progrès qui permettra de faire baisser le nombre d’accidents et de victimes à moto, c’est la formation, l’éducation à la sécurité routière dès l’enfance, la sensibilisation de tous les usagers sur le partage de la route, la responsabilisation des conducteurs par des mesures éducatives (et non une simple répression financière), l’incitation à investir dans un véritable équipement de protection motard par les assurances (comme en Allemagne)… Seulement, évidemment, cela coûte cher et rapporte peu… Et surtout, cela prend du temps, plusieurs générations. Or les politiciens ne raisonnent qu’à court terme (cinq ans maximum). Alors c’est à nous de nous prendre en main, de nous comporter en motards responsables. Chiche ? Lire l’article “Etre un motard responsable“. Source :
http://flatfab.wordpress.com