Suite et fin (désolé pour le délai)Jour 4 : Vendredi 25 décembre 2020 De la neige, du sang et des larmes. Ce matin, je me suis levé de bonne heure, bien déterminé à abattre le roadbook du jour en
à peine dix heures.
8h30, j'entends quelqu'un toquer à ma porte. "
Mais bon sang ! Qui vient m'importuner à cette heure-ci ?"
J'ouvre la porte : "
Ah c'est la patronne de l'établissement !". Cette dernière est venue me proposer gentiment de descendre
déguster un petit déjeuner traditionnel avec sa petite famille ainsi qu'un autre client
(hors prestations officielles interdites par ce gouvernement de mes deux). Face à tant de gentillesse, je ne pouvais qu'accepter cette proposition.
Le petit-déjeuner était délicieux, on a discuté et refait le monde. Le sujet du Covid s'est bien sûr invité à la discussion, mais a été très vite balayé par d'autres sujets moins anxiogènes, tels que la beauté de la région, les traditions locales, l'anthropologie, et bien sûr la moto !
Une heure et demi plus tard, je regarde ma montre, zut il est déjà 10h15 ! Va falloir que je speed. Alors j’ai fait le pari qu’en 15 minutes, je réussirais à monter dans ma chambre, m'équiper, tout remballer et repartir.
Bon, finalement, ça me prendra vingt minutes de plus que les quinze allouées, pour être prêt.
Je prends congé de mon hôte, démarre mon flat, et gaz. Le tableau de bord affiche zéro degré, mais le soleil est présent, et le soleil c'est bon pour le moral.
Bon aujourd’hui, j’ai pris mon temps, j'allais pas me cramer non plus. La gérante de l'hôtel était super gentille, et rien que pour ça elle mérite un peu de pub : c'est
l'hôtel du ROC à Castellane. Si vous passez dans le coin, vous devriez vraiment y séjourner.
Premier objectif de la matinée : le col des Lècques. Je suis arrivé au sommet de ce col de
1147 mètres d'altitude après une montée périlleuse : il fallait rester concentré pour éviter les plaques de verglas en bord de route. Je ne suis pas allé chercher les trajectoires idéales, je suis plutôt resté au milieu de la route. Le flat de la RT, je l’ai à peiné caressé, les freins, j’y ai pas touché.
Je suis sur la mythique
Route Napoléon, une route qui part de Golfe Juan où l’empereur, à son retour de l’île d’Elbe, débarqua le 1er mars 1815 pour rallier Grenoble par le col Bayard. Une route de 325 km qui, passe par Castellane, Barrême, Digne-les-Bains et Sisteron où j'avais prévu de bifurquer vers l'ouest en direction du Vercors.
Passé
Sisteron, il se met à pleuvoir, une pluie froide et verglacée.
Cette pluie est vite devenue de la neige en prenant de l'altitude. Passé Serres, le paysage blanchissait à vue d'oeil. C'était joli.
Zéro degré, moins deux, j'arrive au pied du col de la Croix-Haute (1176 mètres), je décide de faire une courte pause histoire de souffler un peu.
Au début, ce col se laisse entreprendre malgré la couche de neige qui couvre le bitume et l'adherence quasi inexistante.
Je surveille le thermomètre au tableau de de bord, ce dernier affichait -2° au pied du col, puis -4° un peu plus loin. Je grimpe et la neige se fait de plus en plus épaisse sur les bas-côtés et sur la route : ça glisse comme de l'eau sur les plumes d'un canard.
Un local que j'ai croisé en bagnole m'a fait signe que j'étais dingue à travers son pare-brise. Le bitume n'existe plus et est en fait recouvert d'une pélicule de glace.
Des condition apocalyptiques, d'autant que je n'avais aucun équipement spécial : pas de pneus cloutés, pas de chaînes, juste ma bécane et mon inconscience.
A ce moment précis, j'ai commencé à douter, cela fait trente bornes que je roule sur un patinoire, et si j'ai réussi à rester sur mes deux roues jusque-là, je ne suis pas à l'abri d'une chute assurée dans la redescente de ce col.
Tu sais, en voyage, tout est décuplé. Les bons comme les mauvais moments. Cela vient surement du fait d’être loin de sa zone de confort. Il est normal de ressentir un petit coup de mou. Et encore heureux ?! Si tout était toujours parfait, plus rien ne nous chamboulerait. Mais on dit souvent que quand la tête veux, le corps suit.
Je me suis arrêté à 800 mètres du sommet pour me décider : j'avais le choix entre fabriquer des chaînes à base de ficelles, et attendre qu'un chasse-neige passe par là. J'ai opté pour la deuxième solution, et l'attente fut longue, très longue. Les 35 minutes passés sous la neige par -4° en attendant cet engin de service hivernal : une éternité.
Il fait très froid, je suis impatient, je décide alors de faire demi-tour et redescendre pour attendre un peu plus bas, le demi-tour me prendra 10 minutes. Une fois arrivé en bas du col, j'ai à peine eu le temps de couper le moteur que je le voyais déjà de loin, mon engin sauveur, l'espoir renaît ! Je repars, je le suis, jusqu'au sommet.
Je suis tellement tendu que je redescends aussitôt sans profiter du paysage, toujours en suivant le chasse-neige, qui arrive à dégager une partie de la neige accumulée sur la chaussée, faisant apparaître une pélicule de neige plus fine, encore plus casse-gueule. Remarque ça m'a donné le temps de peaufiner ma technique de glisse à moto.
En bas du col, les flocons de neige continuent à tomber, mais la route est plus praticable, je continue, je roule en première sur une neige bien tassée pendant 20 bornes. Le vent violent vient rendre la tâche beaucoup plus compliquée, et m'empêchait de rester sur les traces des voitures. C'était chaud, enfin froid, enfin t'as compris.
Dans ces conditions, il faut rester conentré, accélérer gentiment, ne pas couper les gaz trop brutalement et bien serrer la moto avec les genoux. Sinon, et comme l'explique si bien Lolo, il y a une autre technique qui marche d'enfer : "
quand ça glisse un peu tu serres les fesses un peu, quand ça glisse moyen tu serres moyen, et quand ça glisse fort bah tu serres fort. Et globalement ça passe."
Je suis arrivé à Grenoble sur les coups de 19h30, la fatigue s'est mise à envahir mon corps à mesure que l'adrénaline des heures précédents se dissipait.
La nuit fut réparatrice.
Le lendemain, retour à la maison par l'autoroute et les petites routes.
Bilan de ce roadtrip hivernal : 2500 km en cinq jours (dont 500 d'autobeurk), pas de gamelle malgré les conditions extrêmes par moments, je suis rentré entier, des souvenirs plein la tête, des paysages magnifiques.
En revanche, l'usure des 500 km quotidiens laisse de traces
. Il faut avoir le cul en béton armé et la vessie en circuit fermé.
Alors certes, la légende veut que l'hiver, le motard se planque peinard au fond de son canapé près du radiateur. A titre personnel j'apprécie autant une virée hivernale qu'un roadtrip en plein été. C'est juste différent, mais le plaisir est toujours là.
Je ne peux pas clôturer ce compte-rendu sans remercier ma fidèle compagne : une excellente voyageuse mêlant la facilité de son chassis à un confort princier et une foultitude d'assistances sur lesquels il ne me serait surtout pas venu à l'idée de cracher.
Voilà c'est la fin de ce CR, je vous donne RDV l'année prochaine.
Prenez soin de vous et bonne année les gaziers !
Plus tu penches, moins tu tombes de haut.