Faress a écrit:Est-ce qu'il y a une jurisprudence connue et pertinente qui apporterait de l'eau au moulin?
De ce que j'ai cherché rapidement, non, hormis un arrêt du Conseil d'Etat de 2008 mais dont la question portait plus sur la déclaration que la responsabilité de la balade.
J'avais lu aussi 2/3 trucs à propos d'une circulaire du ministère de l'intérieur de 2006 dont la position était de dispenser de déclaration les rassemblements amicaux (comprendre, entre amis, c'est à dire un cercle restreint). Mais impossible d'y mettre la main dessus, j'en lis des trucs par ci par là sans parvenir à la trouver. De plus, une circulaire n'est opposable qu'à l’administration. Elle n'empêchera donc en rien un particulier de rechercher la responsabilité d'un autre.
Sur cet aspect de responsabilité civile, ce sont les règles de droit commun qui prédominent et plus particulièrement les articles 1382 et 1383 du code civil:
1382:
Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.1383:
Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.De la combinaison de ces deux articles se sont déduites les conditions suivantes pour engager la responsabilité civile:
- La victime doit tout d'abord rapporter la preuve qu'elle a subi un dommage (corporel ou matériel)
- Elle doit ensuite rapporter la preuve d'un fait générateur.
- Elle doit enfin démontrer un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage.
Celui qui demande réparation doit toujours apporter la preuve de chacune de ses trois conditions.
Dès lors, et outre le cas particulier de la force majeur (qui 99% du temps où elle est invoquée est rejetée par les juges), le fautif présumé peut, en démontrant que l'une des 3 conditions n'est pas réunies, s’exonérer ou atténuer sa responsabilité.
Il pourra ainsi:
- Démontrer qu'il n'a pas commis le fait reproché (En gros, "vous attaquez la mauvaise personne, c'est pas moi, j'étais pas là", ou plus simplement: "J'ai rien fait")
- Démontrer que le fait reproché n'est pas constitutif d'une faute (Imaginons que j'ai embouti la voiture de devant et que je recherche sa responsabilité parce qu'il était arrêté comme un fruit au milieu de la chaussée, s'il démontre qu'il était en fait arrêté au feu rouge, il démontre bien que le fait reproché n'est pas constitutif d'une faute)
- Démontrer qu'un autre fait a un lien direct avec le préjudice. Ce fait peut avoir pour auteur un tiers ou la victime elle même.
Dans le cas d'un autre tiers impliqué, les responsabilités seront recherchées
in solidum (solidairement pour l'intégralité du préjudice), à charge pour eux d'engager les actions récursoires qui leur sont ouvertes à l'encontre des co-fautifs.
Dans le cas de la faute d'un tiers (et il faut qu'elle soit prouvée), celle ci va exonérer à proportion de la gravité de la faute. concrètement, on va comparer quelle faute entre celle de celui qui est poursuivi et celle de la victime a le plus concouru au préjudice et on va fonder la responsabilité là dessus. On peut donc tout à fait envisager le cas d'un gros préjudice (pouvant aller jusqu'au décès), avec une réparation minime ou très en deçà de ce qu'on aurait pu attendre, compte tenu de la gravité de la faute de la victime.
Pour recentrer ça dans le cadre d'une balade MIDF, imaginons qu'un motard se gaufre tout seul au cours de la balade (il a vu un lapin dans un virage ou il trouvait l'herbe du talus tellement verte qu'il a voulu l'inspecter de plus prés):
- Le dommage sera évident et il n'y aura pas de difficulté à l'établir (en plus, les compagnons de balade prennent des photos pour le CR !! )
- Le fait générateur de l'organisateur/ouvreur sera déjà plus compliqué à démontrer (je n'ai pas dit impossible car en droit rien n'est tout blanc ou tout noir). En effet, jusqu'à preuve du contraire, il n'influe directement ni sur la moto de la victime, ni sur son environnement.
- Le lien de causalité entre le fait commis par l'organisateur/ouvreur et la victime sera encore plus difficile à établir pour les raisons évoquées au point précédent. Si en plus le roulage se fait en tiroir et que le sinistre se passe 10 km derrière l'ouvreur...
Dans une telle hypothèse, au vu de ce que j'ai évoqué précédemment, on peut raisonnablement considérer que le risque de contentieux à l'encontre de l'organisateur/ouvreur de la balade en cas de poursuites est faible.
Imaginons maintenant l'hypothèse d'un accident entre deux motards de la balade (Ça ne roule pas en quinconce, la moto devant plante un coup de frein et celui de derrière vient s'encastrer dedans):
On reprend les mêmes étapes que plus haut pour déterminer la responsabilité de chacun (le dommage, le fait, le lien de causalité). Pour les mêmes raisons que dans le cas précédent, je pense que le risque de l'organisateur/ouvreur est faible. Il l'est d'autant plus que dans ce cas, un troisième larron se greffe dans la partie mettant en jeu sa responsabilité. On a donc:
- L'organisateur/ouvreur: risque faible
- Le freineur compulsif: faute à discuter
- La victime: Faute indéniable mais pouvant éventuellement et en partie être compensée par la faute du freineur.
En résumé, tant que ça reste dans les formules telles que pratiquées sur MIDF, le risque de poursuite, s'il mérite qu'on s'y intéresse, parait au final assez faible (mais pas inexistant).
Quant à la responsabilité pénale, si on admet l'existence de la circulaire mentionnée au début, l'absence de déclaration ne serait pas préjudiciable à l’organisateur d'une balade sur le fofo (je mets au conditionnel n'ayant pas lu directement la circulaire).
Resterait éventuellement le fondement de l'incitation à la commission d'une infraction. A ma connaissance, il n'y a pas de telle infraction de prévue de manière générique dans le code pénal. Mais certaines infractions prévoient de punir leur incitation (ex: incitation à la haine raciale). Je n'en ai jamais entendu parler concernant les dispositions du code de la route, mais je n'ai pas la science infuse... Si vous en trouvez, faites moi signe